L’origine de la vie sur Terre est un champ de recherche extrêmement complexe pour lequel plusieurs hypothèses sont envisagées. Certaines études considèrent les apports extraterrestres, via les météorites ou les astéroïdes, comme une source de molécules organiques nécessaire à l’ensemencement de la Terre. D’autres estiment que notre planète a et a eu le potentiel pour réaliser une chimie prébiotique suffisamment efficace pour engendrer les premières briques du vivant. Dans une étude publiée dans la revue Nature, des chercheurs de l’institut de physique du globe de Paris, de l’université Paris Diderot, du CNRS et du synchrotron SOLEIL apportent un argument de premier ordre à cette dernière hypothèse, et notamment à la théorie hydrothermale de l’origine de la vie, repoussant même sa possible émergence en profondeur, bien au-delà des sources hydrothermales des fonds océaniques.
Le monde du vivant est notamment caractérisé par sa capacité d’autonomie et de reproduction, mais surtout par la grande complexité de ses structures organiques. Comprendre le passage d’un monde minéral à ces molécules organiques de plus en plus complexes et aptes à s’assembler pour créer les premières briques du vivant est donc primordial à la compréhension de l’apparition de la vie telle qu’on la connait sur Terre.
Dans les années 50, l’expérience de laboratoire de deux chercheurs américains, Stanley Miller et Harold Urey, a montré que les conditions extrêmes qui régnaient sur la très jeune Terre auraient pu rendre possible la synthèse de telles molécules dans l’atmosphère primitive avant leur dissémination dans les océans peu profonds, avant même l’apparition de toutes formes de vie. Cependant, cette hypothèse dite de la soupe primitive n’a jamais pu être démontrée en milieu naturel et les conditions utilisées dans ces expériences ne reflétaient pas celles régnant probablement lorsque la vie est apparue sur Terre.
Dans une étude parue le 7 novembre 2018 dans la revue Nature, une équipe de scientifiques européens, menée par Bénédicte Ménez et Céline Pisapia, géomicrobiologistes à l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP/université Paris Diderot/CNRS) et enseignantes-chercheuses à l’université Paris Diderot et constituée de chercheurs du laboratoire de Géologie de Lyon (université Claude Bernard/ENS Lyon/CNRS), du centre français de rayonnement synchrotron SOLEIL, de l’Institut de chimie des substances naturelles (CNRS), et de l’université Nazarbayev au Kazakhstan, a utilisé une approche de microscopie corrélative innovante, qui combine plusieurs techniques d’imagerie de haute-résolution, sur des échantillons prélevés par forage à environ 175 m de profondeur dans la lithosphère océanique lors de l’Expédition 304 du programme international de forage océanique IODP (www.iodp.org). Grâce à cette méthode, les scientifiques ont pu observer des acides aminés, molécules complexes indispensables au vivant, synthétisés abiotiquement au cours de l’altération des roches océaniques profondes provenant de l’Atlantis Massif (dorsale médio-atlantique, 30°N).