Nouvelles Réactions Catalytiques et Sélectives

A la recherche de nouvelles méthodes d’amination

La recherche de nouvelles réactivités occupe toujours une place majeure dans la chimie organique moderne, conséquence de la découverte de produits naturels aux structures originales mais aussi de la nécessité de repousser les limites de notre espace chimique. En plus d’être efficace en terme de rendement, une réaction doit conduire à la formation d’une ou plusieurs liaisons de manière régio-, chimio- et stéréo-sélective, et ce, si possible, au départ de substrats complexes. Par ailleurs, à ces objectifs se greffe la notion d’écocompatibilité que les chimistes doivent désormais prendre en compte dans la recherche de nouvelles transformations.

Pourquoi de nouvelles méthodes d’amination ?

➥ L’azote est ubiquitaire dans la structure des produits naturels et des médicaments. Plus fondamentalement, en chimie médicinale, l’azote constitue un atome pivot pour la modulation des propriétés pharmacodynamiques et la biodisponibilité d’une molécule bioactive. Cette omniprésence de l’azote fait que le développement de réactions pour la formation de liaisons C-N est un thème de recherche récurrent en synthèse.

➥ Force est de constater que les nombreuses réactions pour former une liaison C-N, découvertes jusqu’alors, sont basées sur la transformation d’un groupe fonctionnel installé préalablement sur le substrat, que ce soit un carbonyle, un halogène ou une oléfine. Par conséquent, mettre au point une réaction permettant la transformation directe d’une liaison C-H en liaison C-N offre des opportunités nouvelles, et notamment un accès à une diversité moléculaire inaccessible par les méthodes précédentes.

 

Amination et Fonctionnalisation C-H

➥ La mise au point de réactions de fonctionnalisation C-H s’inscrit parfaitement dans le contexte de recherche de nouvelles transformations efficaces, sélectives et écocompatibles. La mise au point de telles réactions pose cependant le problème du bon compromis entre réactivité (cf énergie d’une liaison C-H) et sélectivité (ubiquité des liaisons C-H).

➥ De nombreux travaux ont récemment abouti à la découverte de réactions de fonctionnalisation C-H efficaces et sélectives. D’un point de vue mécanistique, ces procédés sont classés en 2 groupes selon qu’ils impliquent une étape d’activation C-H ou d’insertion C-H. C’est cette deuxième stratégie fondée sur l’utilisation de nitrènes qui a conduit aux progrès les plus significatifs dans le domaine de l’amination C-H.

Nitrène et amination C-H

➥ Les nitrènes, composés monovalents de l’azote à 6 électrons de valence, ont longtemps été considérés comme des intermédiaires trop réactifs et donc peu sélectifs. Cependant, les avancées majeures réalisées dans le domaine de la catalyse organométallique combinées à la mise au point, à l’aide des réactifs de l’iode hypervalent, de conditions douces pour générer les nitrènes ont conduit à la formation de métallanitrènes dont il est possible de maîtriser la réactivité.

➥ Les procédures simples, décrites entre autres par notre groupe, ont permis d’étendre la gamme de substrats azotés susceptibles d’être oxydés en nitrènes. Entre autres, l’utilisation de sulfonimidamides, réactifs du soufre hexavalent peu étudiés en chimie organique et analogues « azotés » des sulfonamides, nous a conduit à générer des nitrènes chiraux qui réagissent avec des complexes de rhodium(II) pour donner des produits d’amination CH avec d’excellents rendements et sélectivités.

Cette réaction en cours d’étude dans le groupe, répond à un grand nombre des exigences précédentes.

  • efficacité : la réaction s’applique à des substrats utilisés en quantités stoechiométriques.
  • chimiosélectivité : seuls des produits de mono-amination sont isolés. Et dans le cas de substrats allyliques, le produit issu de la réaction compétitive d’addition sur l’oléfine (aziridination) est rarement isolé.
  • régiosélectivité : la réaction se déroule sur des positions benzyliques et allyliques secondaires ou, dans le cas d’alcanes, sur des sites tertiaires.
  • stéréosélectivité : un seul diastéréoisomère est généralement obtenu.

L’amination C-H stéréosélective pose néanmoins d’autres défis dont celui de l’optimisation en termes d’économie d’atomes.

Nitrènes : autres opportunités pour la synthèse de composés azotés

➥ Si les réactions d’amination C-H procurent de nouvelles voies d’accès à des produits aminés, l’addition d’un nitrène sur une oléfine, ou réaction d’aziridination, offre des perspectives complémentaires. En effet, il est bien documenté que les aziridines issues de cette transformation subissent des réactions d’ouverture de cycle en présence de nucléophiles pour donner des produits substitués.

➥ Dans ce contexte, la génération de nitrènes à partir de sulfamates a permis de mettre au point une stratégie de synthèse sélective d’amines fonctionnalisées, basée sur l’introduction séquentielle et contrôlée de plusieurs nucléophiles.

Nitrènes : vers une chimie aussi riche que celle des carbènes ?

➥ La chimie synthétique des carbènes est riche en ce sens que ces intermédiaires sont connus pour donner des réactions aussi diverses que les réactions catalytiques de cyclopropanation, insertion C-H, cycloadditions, réarrangements d’ylures, etc. Les nitrènes apparaissent, en comparaison, comme les parents pauvres puisque, outre les réarrangements de Curtius, Lossen, etc., l’utilisation de ces réactifs se limite aux réactions catalytiques d’aziridination d’oléfines ou d’amination C-H.

➥ Nous avons cependant récemment démontré que l’application des transferts de nitrènes catalytiques en série indolique donne des produits d’oxyamination et de diamination. Il est possible de contrôler à la fois la régiosélectivité de l’addition en fonction de la substitution en C-3 de l’indole, et sa stéréosélectivité selon le nucléophile introduit. Par ailleurs, les ligands du catalyseur de rhodium(II) constituent un autre paramètre clé dans le contrôle de la stéréosélectivité. Cette réactivité inattendue ouvre donc de nouvelles perspectives pour la chimie des nitrènes en cours d’investigations dans le groupe.

 

Collaborations

  • Dr Didier BOURISSOU, LBPB, Laboratoire Hétérochimie Fondamentale et Appliquée, UMR 5069 CNRS, Université Paul Sabatier Toulouse
  • Dr Karinne MIQUEU, IPREM, UMR 5254 CNRS, Université de Pau et des Pays de l’Adour
  • Prof. Pedro J. PEREZ, Laboratoire de Catalyse Homogène, Université de Huelva (Espagne)